Un projet de Sciences humaines pour sensibiliser aux impacts de la COVID sur la restauration
Dans le cadre du cours Démarche des intégrations des acquis en Sciences humaines (DIASH), à la fin du programme, les étudiantes et les étudiants s’intéressent à une problématique sous trois angles disciplinaires différents parmi les suivants : anthropologie, administration, économie, géographie, histoire, psychologie, politique ou sociologie.
Une équipe s’est intéressée aux difficultés vécues par les restaurateurs depuis le début de la pandémie et a voulu sensibiliser la communauté collégiale à l’achat local. Leur projet fait appel à l’économie, à la sociologie et à la science politique. Voici leur article :
Article de sensibilisation
But
Sensibiliser la communauté collégiale à l’achat local dans le domaine de la restauration.
Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) déclare un nouveau défi auquel devra faire face l’humanité : une pandémie à coronavirus (Labrecque, 2020, paragr. 1). La province se voit divisée selon un code de couleurs qui détermine les différentes mesures sanitaires mises en place afin de réduire la propagation de la COVID-19. L’une de ses mesures est la fermeture complète ou partielle des établissements de restauration (gouvernement du Québec, 2020, paragr. 1). Certains restaurateurs se sentent oubliés ou sacrifiés. Depuis le début de la pandémie, le domaine de la restauration doit pallier l’impact de lourdes conséquences causées par la diminution massive de revenu. Plusieurs d’entre eux demandent plus d’aide financière de la part de l’État (Laou, 2020, paragr. 1-14).
La restauration représente plus de 230 000 emplois au Québec (Association Restauration Québec, s. d., paragr. 1) répartis dans 21 000 établissements (Larocque, 2020, paragr. 2), et 1,2 million au Canada (Chambre de Commerce du Canada, 2020, paragr. 2). Cette industrie pèse environ 13,6 milliards de dollars en situation prépandémique (Association Restauration Québec, s. d., paragr. 1)
Recettes provenant des services de restauration au Québec entre janvier 2020 et janvier 2021
Impacts économiques pandémiques
Afin de bien démontrer l’impact économique de cette problématique, voici quelques statistiques marquantes :
- Au total, d’août 2020 à février 2021, c’est 5 milliards de dollars qui ont été perdus (Rochefort, 2021 paragr. 9).
- En mai 2020, les ventes ont chuté de 56,4 % versus mai 2019 (Trottier, 2020, paragr. 2).
- Les entreprises admissibles à cette aide pourraient recevoir des subventions jusqu’à 15 000 $ par mois de fermeture (Association Restauration Québec, 2021, p. 5). En effet, le programme d’aide aux petites entreprises représente plus de 50 millions de dollars en aide directe (Samson, 2021, paragr. 2-4). Selon le ministre provincial de l’économie, Pierre Fitzgibbon, l’objectif de cette aide financière est « de couvrir les besoins futurs de liquidités des entreprises sous forme de prêt » (Samson, 2021, paragr. 16). Jusqu’à présent, environ 65 % des demandes ont été répondues, ce qui représente 2 200 restaurants (La Presse canadienne, 2020, paragr. 17).
- En 2019, nous avons battu le record du plus faible taux de chômage, tandis qu’en mai 2020, nous avons enregistré le plus haut taux de chômage jamais vu au Québec, c’est-à-dire de 13,7 % (Statistique Canada, 2020, p. 2).
- De ce fait, 80 % des restaurants ne font aucun profit ou fonctionnent à perte (Laou, 2020, paragr. 18).
Qu’est-ce qu’on peut faire?
La solution la plus efficace à adopter serait de prioriser l’achat dans les petits restaurants locaux. Pourquoi les petits au lieu des grandes chaînes? Tout simplement, car les grandes chaînes de restaurations étaient, pour la plupart, déjà bien adaptées pour la pandémie, c’est-à-dire qu’elles avaient déjà un système de prêts à emporter, de service au volant et de livraison. Les petits restaurants, eux, ont dû s’adapter et ça n’a pas été aussi simple que pour les grandes chaînes. Étant donné que les services de livraison indépendants demandent une grande marge de profit qui peut aller jusqu’à 30 % (Morissette, 2020, paragr. 4), il est préférable de prioriser l’achat directement auprès de l’établissement de restauration.
Le positif dans tout ça
Malgré tout, quelques aspects positifs de la pandémie ont su se tailler une place. Par exemple, certains restaurateurs ont senti le besoin d’aider la communauté. Quelques-uns ont fait des dons et du bénévolat pour le personnel de la santé travaillant en zone COVID (Banque de développement du Canada, 2020, paragr. 25). De plus, certains restaurants ont accueilli de nouveaux clients qui les ont découverts via les applications de livraisons (Morissette, 2020, paragr. 9). En bref, les problématiques auxquelles font face les restaurateurs touchent autant les employés de la restauration que la population en général.
Témoignage de différents restaurateurs
Kim Colona du restaurant Le Petit-Creux
Depuis le premier confinement au mois de mars 2020, on a mis en place [de nouveaux services] tout de suite, pour liquider notre inventaire, on fermait, mais on ne savait pas combien de temps ça allait durer. On n’avait aucune information, on nous a juste dit « vous devez fermer, à partir de telle date » sans rien d’autre. On avait des « frigos » qui étaient pleins, on avait de la mise en place, donc on a donné un peu à nos employés, parce que personne n’aurait de salaire du jour au lendemain donc on a fait une distribution à nos employés. [...] C’est le même gabarit [aide financière] pour tout le monde, le fédéral, c’était au niveau des subventions salariales. En fait, c’était des aides, mais moi, je ne peux pas vraiment appeler ça une aide, parce que ce n’est pas une aide, les seuls bénéficiaires là-dedans, c’était, et heureusement, les employés et ça, c’est quand on en avait parce que le 99 % de nos employés n’étaient plus là donc les subventions salariales n’avaient pas d’impacts. L’aide au loyer, c’est pour notre propriétaire, ce n’est pas pour nous, c’est un loyer que l’on doit payer quoi qu’il en soit, on nous donne de l’argent pour le redonner à quelqu’un, donc nous, par contre ça, c’est du fédéral. Venant du provincial, on ne va même pas en parler parce que je pense que tous les restaurateurs ils leur viennent les nerfs, juste à la pensé de dire que le gouvernement nous a aidé, ils se pavanent en disant « oui, vous avez des aides, vous avez la AERAM » ce n’est pas une aide un prêt, c’est une dette. Et là, la AERAM (Aide aux entreprises en régions en alerte maximale), qui a été mise en place qui sont des prêts pardonnables, mais la il faut remplir, il faut prouver des états financiers, il faut prouver, pour le futur, pourquoi on a besoin de trésoreries/de liquidités, il faut justifier avec des appuis, des factures à l’appui. Ça demande toute une démarche comptable très dispendieuse parce que c’est mon comptable qui doit s’occuper de ça, pour au final aller récupérer on ne sait trop quel montant, c’est totalement démesuré.
Nathalie Gaudet du restaurant l’étiquette
- Avez-vous trouvé que les mesures d’aide financière étaient suffisantes pour la situation?
Oui, il y avait un prêt au fédéral, il y avait des exemptions, par exemple, à la place de payer les taxes aux trois mois, on pouvait les payer plus tard, il y avait des subventions. Par contre, les mesures d’aide ont été mises en place plus tard, mais c’était tout de même un bon programme. - Est-ce que le processus de demande d’aide financière a été facile ou non?
Oui, il fallait faire une demande de prêt, par exemple 40 000 $, on pouvait remplir un formulaire en ligne et on recevait le montant le lendemain quand on faisait affaire avec une caisse populaire. Avec la demande de prêt, il fallait rembourser si on reprend le 40 000 $, il fallait rembourser 30 000 $ d’ici la fin décembre 2022. Si le restaurant ferme et qu’on est incorporé, on n’a pas besoin de rembourser, on va payer un montant dans nos impôts. Si le restaurant est à notre nom, il faut rembourser la totalité du 30 000 $.
On pouvait aussi demander des subventions pour le salaire, le gouvernement nous donnait 75 % du revenu, mais ce processus est plus compliqué que pour les prêts.
On pouvait aussi demander de l’aide pour les frais fixes, donc un loyer si on loue, l’électricité. [...] - Si vous pouviez faire quelque chose de plus pour aider les restaurants, qu’est-ce que vous feriez?
Je crois que tout a été fait, ce que j’aurais fait aurait été d’ouvrir les restaurants plus tôt et j’ouvrirais les restaurants à Montréal. Je ne crois pas que ce soit les restaurants qui causent la propagation du virus, mais je comprends la fermeture. Le problème c’est l’alcool, lorsqu’on consomme on fait moins attention.
Quelques mots d’encouragement des professeurs de gestion de restauration :
Suzanne Grenier
La pandémie occasionne un lot de changement et d’adaptation à l’industrie de l’hôtellerie et de la restauration. Pour être prêts à y faire face au moment de la relance, les candidats dotés d’une formation seront prisés par les employeurs surpassés par les évènements; plus que jamais ils auront besoin d’employés et de gestionnaires compétents, polyvalents et créatifs.
Nos formations vous guideront non seulement dans vos passions, mais vous mèneront vers la réussite, à vous d’y faire votre place!
Éric Bertrand
Nous, les restaurateurs :
[...] Au vu et au su de tout le monde, on s’aperçoit que notre profession n’a pas su ou voulu intégrer aucune pratique managériale, et sa gestion quotidienne tient plus de la croyance que des sciences et principes enseignés dans nos programmes. Avec pour résultat une main d’œuvre non formée, un politique de maitrise de coûts absente. À cela s’ajoute une tentative de reconversion vers le service de livraison ruineuse. À titre d’exemple, la marge bénéficiaire dans notre domaine est de grosso modo 5 %, comment expliquer que l’on est capable de verser des commissions de 30 % à des services de livraison !!! [...]
Maintenant que la normalité pointe son bout du nez, la faiblesse des salaires offerts, la possibilité de retourner en confinement strict ont pour conséquence d’étouffer toute tentative de reprise vigoureuse des opérations. En revanche il est important de souligner qu’elle ne peut être tenue responsable du manque de main d’œuvre, elle ne fait qu’amplifier une situation déjà présente avant la pandémie. Cette situation ressemble à un serpent qui se mange la queue sans le savoir, une sorte de fuite en avant. Maraudage, hausse des salaires sans garantie de hausses des revenus.
Maintenant, voyons ce qui l’en ai pour vous les autres : nos chers clients,
De ce côté on serait tenté de penser que la situation est plus douce. La pandémie aura eu comme mérite, un peu comme pour la culture, de faire prendre conscience au monde que la sortie au restaurant fait partie intégrante d’un mode de vie et constitue une source de réjouissance, une occasion de socialiser et de se retrouver. On est bien au-delà de la simple prise de repas pour se nourrir. On découvre tout d’un coup le petit restaurant de notre quartier, on se conforte dans le consommer local et voir locavore. On veut encourager les producteurs locaux, et on pense prendre conscience de ce que serait un monde sans restaurant. [...] Beaucoup de questions sans réponses si ce n’est que cette pandémie met à jour des problématiques qui vont au-delà du simple fait divers ou de la chronique financière.
Bibliographie
Détails
- Association Restauration Québec. (s. d.). Portrait de l’industrie. https://restauration.org/portrait-de-lindustrie
- Association Restauration Québec. (2021). Tableau récapitulatif -Mesures d’aides aux entreprises (Covid-19) : Soutien aux entreprises -Prêts. https://restauration.org/media/11397/inventaire-mesures-daide-v6-fe-vrier-2021.pdf
- Banque du développement du Canada. (2020). Les restaurants s’adaptent à la pandémie de COVID-19. https://www.bdc.ca/fr/articles-outils/strategie-affaires-planification/gerer-affaires/restaurants-adaptent-pandemie-covid
- Banque du développement du Canada. (2020). Les restaurants s’adaptent à la pandémie de COVID-19. https://www.bdc.ca/fr/articles-outils/strategie-affaires-planification/gerer-affaires/restaurants-adaptent-pandemie-covid
- Chambre de Commerce du Canada. (2020). Les enjeux. Nos Restaurants.
- Gouvernement du Québec. (2020). Système d’alertes régionales et d’intervention graduelle (COVID-19).
- Labrecque, A. (2020, 11 mars). COVID-19 : l’OMS déclare l’état de pandémie. Québec Science. https://www.quebecscience.qc.ca/sante/covid-19-oms-pandemie/
- Laou, S. (2020, 10 décembre). Des restaurateurs en colère contre le gouvernement du Québec | Coronavirus. Radio-Canada.ca. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1755956/reaction-restaurateurs-declaration-arruda-covid
- La Presse Canadienne. (2020, 27 juillet). Revenus anémiques, employés en pleurs : les restaurants et les bars en arrachent | Coronavirus. Radio-Canada.ca. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1722486/restaurants-bars-montreal-distanciation-achalandage-masque
- Larocque, S. (2020, 18 mars). Crise du coronavirus : des mises à pied par milliers. Le Journal de Montréal. https://www.journaldemontreal.com/2020/03/18/des-mises-a-pied-par-milliers
- Morissette, N. (2020, 15 mai). Applications de livraison : « un mal nécessaire » pour plusieurs restos ». La Presse. https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2020-05-15/applications-de-livraison-un-mal-necessaire-pour-plusieurs-restos
- Rochefort, A. (2021, 16 février). « Sauvez les restos M. Legault! » : les restaurateurs exigent un plan immédiat. Radio-Canada.ca. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1771086/sauvez-les-restos-legault-campagne-restaurateurs-quebec-arq-faillite
- Samson, F. (2021, 20 février). Aide aux restaurateurs : le gouvernement accusé de changer « les règles du jeu ». Radio-Canada.ca. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1772103/covid19-aide-financiere-provinciale-restaurateurs-quebec
- Statistique Canada. (2007). Taux de chômage : définition détaillée. https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2006/ref/dict/pop125-fra.cfm
- Trottier, M-C. (2020, 25 juillet). Les ventes dans la restauration et les bars ont diminué. Journal de Montréal. https://www.journaldemontreal.com/2020/07/25/les-ventes-dans-la-restauration-et-les-bars-ont-diminue
Camille Hains, Maude Galarneau, Marc-Antoine Nadeau et Rosemarie Vanier
Finissants en Démarche des intégrations des acquis en Sciences humaines (DIASH)